Le 11 juillet 2025, les cheminées de l’usine Gardel au Moule se sont tues ; les dernières cannes ont été broyées, marquant officiellement la fin de la campagne sucrière 2025. Entre pluies diluviennes, pannes mécaniques et négociations tendues, la filière a connu une saison mouvementée. Pourtant, derrière les bilans comptables se cache une histoire séculaire qui façonne toujours l’identité et les paysages de la Guadeloupe.
Introduite dès les années 1640, la canne s’impose vite comme l’or vert de la colonie.
L’abolition de l’esclavage (1848) bouleverse l’organisation des habitations, mais la culture s’adapte avec l’arrivée des usines centrales.
Fondée en 1870, l’usine Gardel devient, au fil des restructurations, la dernière sucrerie encore en activité sur la “grande” Guadeloupe, symbole vivant d’un savoir‑faire patrimonial.
Le saviez‑vous ? Chaque fin de récolte, les transporteurs décorent leurs camions pour le légendaire «Bal des Titans», un défilé nocturne aussi bruyant que spectaculaire qui attire des milliers de curieux.
Un peu plus de 433 000 tonnes de cannes ont été coupées et livrées à l’usine Gardel entre février et juillet. L’objectif initial (≈ 455 000 t) n’a pas été atteint, mais la filière a tout de même transformé 425 000 t de matière première en près de 30 000 tonnes de sucre roux et blond.
Sur le terrain, environ 2 600 planteurs ont mis à contribution quelque 12 000 hectares de parcelles, mobilisant plus de 8 000 emplois directs et indirects : chauffeurs, ouvriers d’usine, mécaniciens, saisonniers agricoles… Autant de familles qui vivent au rythme de la canne depuis des générations.
Un rendement contrarié : • Pluies tardives : des averses records en mai ont saturé les sols, retardé les coupes et dilué la richesse saccharine.
Arrêts techniques : plusieurs pannes à l’usine et à la centrale bagasse‑charbon ont freiné la cadence de broyage.
Sucre par tonne en baisse : la richesse moyenne n’a guère dépassé 7 °Brix quand on vise habituellement 9 °Brix.
En clair, il a fallu broyer davantage pour obtenir la même quantité de cristaux. Malgré ces obstacles, la campagne 2025 démontre la résilience d’une filière qui reste un pilier économique et identitaire pour la Guadeloupe.
55 % des surfaces agricoles de Guadeloupe sont encore couvertes par la canne.
La bagasse alimente la cogénération d’électricité, réduisant l’empreinte carbone.
Les co‑produits (mélasse, écumes) servent à la fabrication de rhum AOC, de fertilisants et d’alimentation animale.
Les visites de l’usine Gardel et des distilleries attirent chaque année des milliers de visiteurs, boostant le tourisme rural.
Malgré un bilan en demi‑teinte, la filière s’engage déjà sur des pistes d’amélioration : modernisation de Gardel, développement de la canne bio, diversification des débouchés (sucre spécial, matériaux biosourcés). La campagne 2026 s’annonce cruciale pour confirmer ce renouveau. Entre tradition et innovation, la canne à sucre reste le trait d’union entre notre passé et l’avenir durable de la Guadeloupe.